Sommaire

Les 16 dernières années n’ont pas été tendres pour les médias locaux au Canada. Ce rapport crée un nouvel ensemble de données qui permet de suivre l’évolution de 2 900 médias d’information locale au Canada, qu’ils soient radiodiffusés, télédiffusés ou écrits (journaux ou sites Web). L’évolution de ces médias a été retracée depuis 2008 par code postal. L’ensemble de données ainsi généré permet de chiffrer les pertes nettes de couverture médiatique au Canada et de déterminer où ces pertes sont survenues.

Dévastation du secteur des médias écrits d’information locale : Depuis 2008, le secteur de l’écrit a enregistré une perte nette de 11 % de ses médias (papier ou en ligne). Cela correspond à la fermeture d’environ 25 médias écrits par année depuis 2014, mais avec une perte nette dévastatrice de 83 médias en 2023 en raison de la faillite de Metroland et des fermetures de Métro Média au Québec.

La diffusion privée s’en sort un peu mieux, mais pas de beaucoup : Les diffuseurs privés de radio ou de télévision s’en sortent un peu mieux, avec la fermeture nette de 9 % de leurs médias d’information locale depuis 2008. L’année la plus défavorable a été 2024, avec la perte nette de 14,5 médias diffusés d’information locale privés, sous l’effet de la diminution du nombre de stations de CTV, des coupures dans les services et de la fermeture de plusieurs stations Corus.

Pour 2,5 millions de Canadiennes et de Canadiens, l’information locale est pratiquement inexistante : Le résultat net de ces changements est que 2,5 millions de Canadiennes et de Canadiens vivent aujourd’hui dans des codes postaux où il n’y a aucun média local ou un seul. Cela représente 7 % de la population, contre 3 % il y a 16 ans. La majorité de la population canadienne bénéficie d’une certaine couverture de l’actualité locale, mais elle n’en est pas moins en constante privation d’information.

Les petites communautés de toutes les provinces et tous les territoires sauf l’Ontario ont subi un recul de l’information locale : Dans les localités de moins de 30 000 habitants, un média d’information sur dix a fermé au cours des 15 dernières années. Les municipalités de moins de 100 000 habitants ont également subi des pertes d’information locale. Les petites villes de Terre-Neuve-et-Labrador, du Québec, de l’Île-du-Prince-Édouard et du Manitoba ont été les plus touchées.

Terre-Neuve-et-Labrador a perdu un nombre catastrophique de médias écrits d’information locale : Dans les communautés en dehors de St. John’s, la province a perdu les trois quarts de ses sources d’information au cours des 16 dernières années. Bien souvent, ces communautés n’avaient qu’un seul journal à contenu local. Beaucoup de ces petits journaux locaux ont fermé leurs portes, ce qui représente la disparition de 100 % des sources écrites d’information locale de ces petites municipalités.

Indice de privation d’information des 45 agglomérations et capitales du Canada : Pour les 45 villes de plus de 140 000 habitants et les capitales, nous avons créé un indice de privation d’information pour voir si l’information locale suit le rythme de la croissance de la population. Voici un aperçu des résultats :

  • Trois agglomérations sur cinq ont subi une perte nette de médias d’information locale, tandis que 11 % n’ont pas connu de changement et que 27 % ont enregistré un gain net.
  • En général, les agglomérations où la privation d’information est la moins marquée sont des centres régionaux qui produisent du contenu radiodiffusé pour l’ensemble de leur province ou de leur territoire. Il s’agit notamment de Yellowknife (T.N.O), Whitehorse (Yukon), Saint John (N.B.), St. John’s (T.N.L.) et Charlottetown (Î.P.É.), où le contenu d’information est diffusé ou réémis par d’autres stations de radio et de télévision pour couvrir l’ensemble de la province ou du territoire. Plusieurs de ces agglomérations ont une forte présence dans la radiodiffusion publique.
  • En général, les agglomérations où la privation d’information est la plus marquée sont les banlieues des grands centres : La population des banlieues des régions métropolitaines de Toronto, de Montréal et de Vancouver a connu une croissance rapide, mais l’information locale n’a pas suivi le rythme et a même diminué. Cela vaut aussi bien pour les radiodiffuseurs publics que pour les médias privés.
  • La banlieue torontoise de Vaughan a subi la plus forte perte moyenne de médias d’information locale. Malgré une population d’un tiers de million, on n’y trouve qu’un seul média écrit. L’un de ses deux journaux locaux a fermé ses portes en 2013, tandis que l’autre, le Vaughan Citizen, a réduit ses activités en 2023.
  • Au Québec, la ville de Gatineau a dû faire face à des baisses de service ou à la fermeture pure et simple de plusieurs de ses médias écrits locaux.
  • Edmonton a perdu le tiers de ses médias d’information locale, ce qui a entraîné des baisses de service chez ses diffuseurs publics et privés, ainsi que la fermeture pure et simple de plusieurs de ses médias écrits.
  • Vaughan, Langley et Surrey ont subi parmi les plus grandes pertes de médias locaux, et c’est en partie pour cette raison qu’elles figurent parmi les pires scores dans notre indice de privation d’information.
  • Les agglomérations de Brampton, North Vancouver et Mississauga ont enregistré des gains relativement importants en termes de nombre de médias d’information locale. Brampton, qui avait deux sources d’information locale en 2008, en a quatre depuis 2024. Mississauga est passée de trois à quatre sources d’information locale. Toutefois, chacune de ces municipalités compte trois quarts de millions d’habitants et ces médias supplémentaires sont loin de suffire à couvrir toute cette augmentation de population.
  • Rare point positif, Kelowna a augmenté son nombre de médias d’information et son taux de privation d’information est relativement bas.

En résumé : Le taux de privation d’information locale au Canada grimpe à toute allure. Notre analyse démontre que le modèle des médias commerciaux à financement par la publicité qui a dominé pendant plus d’un siècle n’est plus viable. Malgré les efforts consentis par le gouvernement fédéral pour soutenir financièrement et réglementairement ce modèle, sa fin approche.

Ce nouveau siècle réclame de nouveaux modèles de journalisme local. L’expansion des médias publics comme CBC/Radio-Canada et les radiodiffuseurs communautaires est un moyen d’y parvenir. Soutenir davantage le journalisme écrit d’information locale, qui a été le plus touché par les pertes de médias, est une autre solution. Une chose est sûre : la nature a horreur du vide. Si l’on n’assure pas une couverture médiatique locale responsable, les plateformes sociales s’empresseront de combler ce vide, bien souvent en diffusant de la désinformation.

Introduction

L’état des médias d’information au Canada est un sujet de préoccupation constante, car la santé démocratique du pays dépend de l’existence d’un environnement d’information sain et rigoureux. Tout au long des quelque 100 ans d’histoire de la radiodiffusion (et plus longtemps pour la presse écrite), cette préoccupation en faveur d’une information solide et diversifiée pour les Canadiennes et les Canadiens a été influencée par plusieurs facteurs, notamment par la crainte d’un impérialisme culturel de la part de notre voisin du Sud, ainsi que par les défis à relever pour desservir un territoire aussi vaste et pour représenter équitablement une population multiculturelle dans les deux langues officielles. Bien que la plupart des discussions académiques et politiques sur la santé des médias d’information du Canada se soient concentrées sur le plan national, les cinq dernières années montrent qu’il est devenu tout aussi important de se pencher sur le plan local. En effet, l’environnement des médias locaux privés est en train de s’effondrer. Les médias d’information locale du Canada sont en net déclin, ce qui a de graves conséquences pour les communautés locales et, plus largement, pour le dialogue national sur l’avenir démocratique de notre pays.

Le but du présent rapport est de mieux comprendre le déclin des médias d’information locale au Canada et le rôle que les médias de service public (tels que la Canadian Broadcasting Corporation/Société Radio-Canada, ainsi que les médias communautaires et à but non lucratif) pourraient jouer pour remédier à la pénurie d’information locale. Tout au long du rapport, l’accent est mis sur le déficit de service des médias d’information locale dans les différentes communautés du pays, qu’elles soient grandes ou petites. Dans les milieux politiques et universitaires, ce déficit de service est souvent exprimé par les termes « désert d’information » et « pauvreté de l’information ». Les déserts d’information sont des zones où il n’y a pas de médias locaux, et les zones de pauvreté de l’information sont celles qui ont un accès limité à des médias locaux qui produisent de l’information locale1. Après un bref aperçu des facteurs clés qui ont mené à la situation actuelle, notre rapport passe en revue des mesures prises par le gouvernement fédéral pour soutenir les médias locaux, puis fait un survol de la production et la programmation des nouvelles dans l’ensemble des médias (imprimés, radiodiffusés et webdiffusés). Pour mieux comprendre le contexte actuel, cette partie est suivie d’une analyse des données relatives aux médias locaux canadiens qui compare deux moments dans le temps : 2008 et 2024. Pour terminer, le rapport propose des recommandations et des pistes de solution pour reconstruire les médias locaux du Canada de manière à ce qu’ils desservent et informent mieux les communautés locales et, au bout du compte, les régions et la nation dans son ensemble.

Contexte général et politique

L’environnement médiatique d’information canadien est constitué d’un certain nombre d’éléments. Il était de tradition pour les Canadiennes et les Canadiens de s’informer sur l’actualité locale et nationale en consultant la presse écrite ou les services de radiodiffusion. Depuis peu, ils ont aussi recours à des services en ligne. Dans leur version écrite, les nouvelles étaient diffusées par des journaux communautaires, locaux ou nationaux appartenant à des sociétés privées. Jadis, la plupart des villes canadiennes, les grandes comme les petites, avaient au moins un quotidien local qui appartenait à la collectivité. Le Toronto Star, le Whig Standard de Kingston et le Hamilton Spectator d’Hamilton en sont quelques exemples. Ces quotidiens coexistaient souvent avec un solide réseau de journaux locaux qui étaient publiés chaque semaine et desservaient des communautés plus petites. Ces publications reposaient sur le modèle commercial du financement par la publicité.

Dans leur version diffusée, les nouvelles provenaient des chaînes de télévision et stations de radio locales privées, également financées par la publicité. Les stations de télévision locales, souvent affiliées à un réseau national comme CTV ou Global, proposaient différents programmes canadiens et américains, ainsi que des bulletins d’information locaux à différents moments de la journée. À la radio, les stations privées consacrées à l’information locale et à la programmation d’émissions d’affaires publiques étaient également courantes, de même que les stations musicales soumises à des exigences d’information locale. La population canadienne était également desservie par des radiodiffuseurs de service public, dont CBC/Radio-Canada, qui fournit des services de radio et de télévision locaux, régionaux et nationaux à travers le pays, ainsi que par des chaînes éducatives provinciales comme TVO, Télé-Québec ou Knowledge Network en Colombie-Britannique. Enfin, les Canadiennes et les Canadiens de diverses communautés du pays avaient accès à la télévision communautaire publique par l’intermédiaire des services câblés, ainsi qu’à la radio communautaire et à la radio campus.

Ce modèle de diffusion des médias d’information est resté stable pendant la majeure partie du XXe siècle. Cependant, deux facteurs importants ont mené à l’échec actuel des médias d’information locale. Le premier facteur, à savoir la concentration des médias, a commencé à s’enraciner dans les années 1990. Le second facteur, à savoir le transfert du contenu médiatique en ligne, s’est développé sérieusement au cours des premières décennies du XXIe siècle. Les sections qui suivent résument brièvement les répercussions de ces deux facteurs et la manière dont ils se sont conjugués au début des années 2020 pour produire l’environnement médiatique local défaillant d’aujourd’hui.

Concentration des médias

À partir de la fin des années 1980 et du début des années 1990, les sociétés médiatiques canadiennes, qu’il s’agisse de journaux locaux ou nationaux ou de chaînes de radiotélédiffusion commerciales, ont entamé une expansion qui a duré des décennies et qui a donné lieu à une concentration des sociétés médiatiques et de leurs actifs. En possédant divers médias commerciaux, les propriétaires pouvaient récolter davantage de revenus publicitaires et rationaliser les coûts de production des programmes (y compris le contenu de l’information) qu’ils diffusaient ensuite dans leurs différents médias. Dans un premier temps, les sociétés ont cherché à accroître leurs actifs par intégration horizontale, en procédant à des acquisitions au sein de leur secteur d’activité existant. À titre d’exemple, songeons à l’expansion des groupes de presse comme Southam, qui possédait de nombreux quotidiens locaux à travers le Canada, tels que le Vancouver Province, l’Ottawa Citizen et le Winnipeg Tribune, entre autres. D’autres modèles de concentration étaient davantage axés sur l’intégration verticale, comme celui de Canwest, qui a débuté dans le secteur de la radiodiffusion et s’est développée pour devenir propriétaire de radios commerciales, de chaînes de télévision et de journaux à travers le Canada. Plus récemment, des sociétés comme BCE, Astral et Shaw Communications se sont consolidées au niveau de la propriété de l’infrastructure médiatique (réseaux fournissant des services de câblodistribution et de télécommunication mobile), mais aussi au niveau de la production et de la diffusion de contenu (télévision, radio, presse écrite et contenu web comme les actualités). Le changement le plus récent et le plus préoccupant dans la concentration des médias est la vente de sociétés médiatiques canadiennes, comme Postmedia, à des propriétaires étrangers. La majorité des actions de Postmedia sont détenues par le fonds spéculatif américain Chatham Asset Management2. Ce modèle plus récent se caractérise par le fait que les nouveaux propriétaires, qu’ils soient canadiens ou étrangers, sont des sociétés de services financiers (fonds spéculatifs, sociétés de gestion d’actifs, etc.) et non des sociétés ayant pour fonction principale de produire du contenu médiatique. Cette situation est préoccupante, parce que la propriété des médias locaux est retirée à l’environnement local et se retrouve hors de portée de nos lois et réglementations. En outre, les revenus générés par ces médias ne restent pas nécessairement au Canada pour être réinvestis dans le secteur médiatique canadien.

Les acquisitions de médias locaux, qu’il s’agisse de journaux, de stations de radio ou de chaînes de télévision, ont été au cœur de cette concentration. Au fur et à mesure que ces médias ont changé de mains, leur propriété et leur gestion se sont éloignées de la communauté locale, ce qui a souvent abouti à des réductions significatives et successives aux niveaux de la programmation, de la production et du personnel des actualités locales. C’est ainsi que des journaux a priori différents ont commencé à partager leurs journalistes et leur contenu, transformant plusieurs sources d’information locale en une même source, comme ce fut le cas pour l’Ottawa Citizen et l’Ottawa Sun, ainsi que pour l’Edmonton Examiner, l’Edmonton Sun et l’Edmonton Journal. En outre, la responsabilité éditoriale du contenu local s’est éloignée des communautés desservies, ce qui ne laisse que peu de recours aux résidents et à leurs responsables politiques pour réclamer une meilleure couverture de leurs communautés.

Cette concentration des médias a été facilitée par le gouvernement fédéral de diverses manières, notamment sous l’action du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), l’organisme de réglementation responsable de la mise en œuvre et de l’application de la Loi sur la radiodiffusion de 1991 et de la Loi sur les télécommunications de 1993. Le CRTC est responsable de l’approbation des changements de propriété des services de radiodiffusion, étant donné qu’il octroie les licences et réglemente les fréquences utilisées par les radiodiffuseurs pour transmettre leurs programmes. Dans ses décisions, il doit stipuler les conditions des licences en termes de programmation ou préciser les avantages, généralement financiers, qui découlent des différents cycles de consolidation. Le CRTC est censé réinjecter ces avantages financiers (appelés « avantages tangibles » dans le jargon politique) dans le secteur par le biais de divers fonds destinés à soutenir la production de contenu canadien ou les programmes d’information locaux. La prémisse qui est censée justifier la concentration des médias est l’argument voulant qu’une plus grande entité médiatique peut mieux tirer parti du contenu de diverses sources pour continuer à accumuler de plus en plus de revenus publicitaires afin de rendre la société consolidée non seulement viable, mais également rentable.

Au début des années 2000, le CRTC a commencé à prendre conscience des conséquences négatives que cette concentration croissante des médias avait sur les médias locaux. Dans un premier temps, il a imposé des « conditions de licence » plus spécifiques aux groupes médiatiques en matière de nouvelles locales et de programmes d’information. Puis, en 2008, il a annoncé sa politique de « diversité des voix », destinée à limiter le nombre de propriétés médiatiques détenues par un même groupe dans une même communauté3. Enfin, en 2016, le CRTC a défini dans sa politique télévisuelle des exigences spécifiques de programmation locale applicables à toutes les chaînes de télévision commerciales, en français comme en anglais4.

Virage numérique

Le deuxième facteur qui s’est conjugué à la concentration des médias pour nous amener là où nous sommes aujourd’hui est le virage numérique pour la diffusion de contenu médiatique, qui connaît une croissance exponentielle depuis le milieu de la décennie 2000. Dans le domaine de la presse écrite, les journaux ont été mis en ligne, souvent derrière un mur payant. Dans le domaine de la radiodiffusion, les services numériques tels que YouTube, Netflix et les réseaux sociaux comme Facebook et Instagram ont redessiné le paysage médiatique privé traditionnel, au Canada comme à l’étranger. Ce virage s’est fait principalement en facilitant l’accès au contenu journalistique et à d’autres programmes, tout en sapant l’offre commerciale traditionnelle. Les abonnements aux journaux ont diminué au fur et à mesure que le contenu en ligne a augmenté, dévaluant le modèle de financement par la publicité sur lequel les journaux s’étaient construits. De même, le modèle traditionnel de la télévision locale, dont le financement par la publicité dépend du nombre de téléspectateurs, a également été fragilisé lorsque les consommateurs se sont tournés vers des services par abonnement sans publicité comme Netflix et d’autres. Bien que l’on ait récemment assisté à une réintroduction de la publicité sur certaines plateformes en quête de meilleurs résultats financiers, les revenus qui en découleront ne seront pas investis dans la production de contenu culturel ou journalistique canadien, contrairement à ce que faisait l’ancien modèle de financement par la publicité.

Les signes du grand chambardement numérique étaient déjà clairement visibles dans les années 1990. Le gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du CRTC, a eu deux occasions—en 1999 et en 2009—de mettre en place un processus réglementaire pour soutenir le passage au numérique des nouvelles et du contenu canadien. En 1999, le CRTC a étudié l’impact des « entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias » (à savoir la radiodiffusion numérique sur le Web) et a décidé de les exempter de toute réglementation5. En 2009, après avoir réexaminé la radiodiffusion de contenu canadien dans les nouveaux médias, le Conseil a décidé de maintenir l’exemption réglementaire6.

C’est vers la fin des années 2010 et le début des années 2020 que l’on a pris la pleine mesure du choc de la collision entre les grands médias consolidés, qui dominaient l’information locale et étaient fortement tributaires des revenus publicitaires, et le glissement numérique des Canadiennes et des Canadiens en quête de contenu en ligne. Ce n’est qu’à ce stade de la crise que le gouvernement fédéral a commencé à intervenir pour soutenir le modèle médiatique commercial dans le contexte du passage au numérique. Des incitatifs financiers ont notamment été mis en place et la Loi sur la radiodiffusion a été mise à jour pour reprendre le terrain perdu et générer de nouveaux revenus afin de soutenir les sociétés médiatiques.

Incitatifs financiers

Le gouvernement fédéral propose depuis longtemps des incitatifs financiers à la presse écrite et aux radiodiffuseurs pour soutenir les secteurs canadiens de l’information et de la création. À titre d’exemple, le Fonds du Canada pour les périodiques soutient les magazines imprimés, les journaux communautaires (non quotidiens) imprimés et les périodiques numériques7. Au cours des premières décennies du XXIe siècle, le gouvernement fédéral a également introduit d’autres incitatifs financiers pour soutenir l’information canadienne, et plus particulièrement l’information locale, tant au niveau des abonnements qu’au niveau de la production journalistique. En voici quelques exemples.

  • Le crédit d’impôt de 15 % pour les abonnements aux nouvelles numériques s’adresse aux Canadiennes et aux Canadiens qui s’abonnent à des journaux canadiens et à d’autres médias écrits disponibles en ligne8. Il concerne uniquement les abonnements en ligne à des sources de nouvelles canadiennes, à l’exclusion des radiodiffuseurs et de CBC.
  • L’Initiative de journalisme local est un fonds fédéral qui « soutient la création d’un journalisme civique original qui répond aux besoins diversifiés des communautés mal desservies du Canada »9. Ce fonds est à la disposition des médias canadiens pour financer un « journalisme civique » dans les communautés mal desservies, explicitement définies comme étant des « déserts d’information » ou des zones de « pauvreté de l’information »10. Il permet aux médias d’information locale (journaux locaux, stations de radio ou de télévision locales) d’embaucher des journalistes ou des pigistes pour développer un contenu local dans ces communautés.
  • Le Fonds pour l’amélioration de la programmation locale (FAPL) est un programme de financement du CRTC qui a existé de 2008 à 2014. Il offrait une aide financière aux stations de télévision locales traditionnelles en exploitation dans les marchés « non métropolitains » afin de créer une programmation locale11.
  • Le Fonds pour les nouvelles locales indépendantes a été créé par le CRTC en 2016 pour soutenir les stations de télévision et de radio indépendantes qui ne font pas partie d’un groupe médiatique. Il fournit une aide pour soutenir la programmation de nouvelles locales.

Mesures législatives

En 2023, le gouvernement fédéral a adopté deux lois pour moderniser l’approche législative de la radiodiffusion : la Loi sur la diffusion continue en ligne et la Loi sur les nouvelles en ligne. Cette dernière loi a été conçue pour compenser le déplacement en ligne des revenus publicitaires, en établissant un système dans lequel les grandes plateformes numériques américaines (p. ex., Meta, Google) devaient dédommager les entreprises de nouvelles canadiennes et locales dont elles utilisaient le contenu pour mousser leurs revenus publicitaires. Alors que cette loi a été adoptée dans le but de ramener des revenus vers les entreprises canadiennes de nouvelles, ses répercussions sur les médias locaux ont été plutôt négatives. En effet, Meta a décidé non seulement de refuser de se conformer à la loi, mais aussi de bloquer le contenu des nouvelles canadiennes sur ses différentes plateformes sociales12.

Ces récentes interventions gouvernementales ont été insuffisantes et sont arrivées trop tard pour de nombreuses communautés canadiennes. En effet, la portée des incitatifs financiers est limitée. À titre d’exemple, l’Initiative de journalisme local ne prévoit pas un financement constant à long terme pour le personnel chargé de produire de l’information locale. En outre, l’une des conséquences de la Loi sur les nouvelles en ligne a été de compliquer l’accès de beaucoup de Canadiennes et de Canadiens à leurs nouvelles locales en ligne, puisqu’ils suivaient auparavant l’actualité par l’intermédiaire des applications de Meta.

La conséquence de ces changements pour les communautés locales a été une réduction marquée du nombre de médias locaux à travers le pays. Comme le montre l’analyse ci-dessous, au cours des 16 dernières années, les entreprises médiatiques ont fermé des journaux locaux et se sont départies de leurs licences de radiodiffusion locales. Il en résulte ce qu’April Lindgren, professeure émérite à l’Université métropolitaine de Toronto, appelle la pauvreté de l’information, c’est-à-dire le fait que les gens n’ont pas accès à l’information dont ils ont besoin pour naviguer dans la vie quotidienne et participer à la prise des décisions qui les concernent13. En gros, la consolidation des médias canadiens du secteur privé a entraîné une diminution et une raréfaction de l’information locale—une privation d’information, en quelque sorte.

Privation d’information au Canada

L’objectif de cette section est de quantifier l’évolution de la couverture des nouvelles locales au Canada au cours des 16 dernières années. Les sources d’information locale qui existent actuellement sont recensées par code postal, afin de déterminer combien sont apparues ou disparues depuis 2008—en tenant compte non seulement des fermetures complètes, mais aussi des réductions de couverture (par exemple, la perte de reporters). Les changements observés touchent trois grandes catégories : les radiodiffuseurs publics (comme CBC, Radio-Canada, TVO, les stations communautaires et autochtones), les radiodiffuseurs privés (comme les principaux réseaux de télévision privés et les stations de radio privées) et la presse écrite (y compris les journaux d’information, les journaux communautaires et les médias en ligne).

Notre ensemble de données suit les tendances par région de tri d’acheminement (RTA), soit les trois premiers chiffres du code postal. Toutes les définitions géographiques sont ramenées au niveau de la RTA, puis agrégées de nouveau si nécessaire.

Au total, notre ensemble de données réunit 2 901 médias d’information locale au Canada : 1 162 journaux ou sites d’information en ligne, 1 373 stations de radio et 366 stations de télévision. Ces chiffres surestiment toutefois considérablement le nombre réel de médias d’information. On trouve souvent plusieurs médias écrits dans une même zone géographique, mais ils appartiennent au même propriétaire qui produit les mêmes informations sous des dénominations commerciales différentes. À titre d’exemple, la ville de Chemainus, en Colombie-Britannique, est alimentée par le Ladysmith Chemainus Chronicle et le Chemainus Valley Courier, mais les deux journaux appartiennent à Black Press Media et leur contenu est pratiquement identique. Nous les considérons donc comme une seule et même source d’information pour Chemainus. De la même manière, la plupart des Canadiennes et des Canadiens peuvent accéder à ICI Première et à une autre station musicale de Radio-Canada. Ces deux stations sont considérées comme une seule et même source d’information, à savoir CBC/Radio-Canada.

En revanche, chaque quotidien est compté comme une source à part entière, même si plusieurs appartiennent au même propriétaire. À titre d’exemple, l’Ottawa Citizen et l’Ottawa Sun appartiennent tous deux à Postmedia, mais chacun est considéré comme une source d’information pour Ottawa.

Pour ce qui est des stations de radio et de télévision, 1 178 des 1 739 stations sont des réémetteurs, c’est-à-dire qu’elles réémettent du contenu créé ailleurs. Dans notre analyse, les réémetteurs ne sont pas considérés comme des médias d’information locale.

Aucun ajustement n’est effectué en fonction de la qualité des médias, et il n’est pas tenu compte non plus des emplois abolis ou créés chez les journalistes d’information locale. À titre d’exemple, un mensuel communautaire est considéré comme une source d’information tout autant qu’un grand quotidien. Il n’existe aucune méthode cohérente qui permettrait d’ajuster correctement la quantité d’information locale produite par chaque média.

Ce déficit d’ajustement qualitatif produit une image trop optimiste de l’information locale. Le décompte des médias est donc le meilleur moyen d’évaluer la couverture de l’information locale.

Dans notre analyse, nous utilisons une mesure de « variation nette du nombre de médias » qui couvre tous les changements survenus entre 2008 et décembre 2024. Lorsqu’un nouveau média ouvre dans une zone, la variation nette augmente de 1. Lorsqu’un média réduit ses services, la variation nette diminue de 0,5. Si un média ferme, le score diminue de 1, et ainsi de suite.

Pour plus de détails, consulter la section Méthodologie.

Évolution de la couverture journalistique locale : portrait national

Les médias locaux canadiens ont connu des temps difficiles ces 16 dernières années. Le Canada a essuyé une perte nette d’environ 25 médias imprimés par année au cours de la plupart des années 2010. Et en 2014, entre autres, les coupes dans le secteur de la radiodiffusion publique ont fait grimper le nombre total de médias perdus à plus de 30.

Cependant, les années 2010 sont bien pâles en comparaison de ce qu’a subi la presse écrite en 2023, qui reste la pire année de l’histoire récente avec une perte nette de 83 médias écrits locaux. Dans la plupart des cas, il ne s’agissait pas de fermetures pures et simples, mais d’importantes réductions de service ont été faites dans 71 des publications du groupe Metroland. Lorsqu’un média réduit sa couverture en licenciant des journalistes, le score de variation nette attribué est de 0,5, et non de 1. Cette perte est survenue la même année que la fermeture pure et simple des journaux communautaires de Métro Média dans tout le Québec. De surcroît, Torstar a laissé disparaître sa chaîne de sites dits « locaux » en ligne.

L’année 2024 a été moins catastrophique pour les médias écrits locaux. En revanche, elle a marqué la pire année jamais enregistrée pour les médias de radiodiffusion privés, avec une perte nette de 14,5. Cette perte est attribuable à la diminution des bulletins de nouvelles dans de nombreuses stations CTV en février 2024, ainsi qu’aux coupures dans les services et aux fermetures de plusieurs stations Corus l’été suivant.

Entre 2008 et 2024, les médias locaux ont subi des pertes importantes, alors que la population du Canada a augmenté d’un quart, pour passer de 33 à 41 millions d’habitants14. Et en 2024, les communautés canadiennes sont beaucoup plus grandes, mais les nouvelles diffusées à leur sujet ne cessent de diminuer. Naturellement, la date de début de l’évolution des médias locaux peut aussi avoir son influence sur les résultats, car il est bien connu que de nombreuses fermetures se sont produites avant 2008.

L’analyse de la privation d’information locale en fonction de la taille de la communauté révèle que deux catégories de communautés ont été les plus durement touchés : les grandes agglomérations de plus de 100 000 habitants et les petites localités de moins de 30 000 habitants. Depuis 2008, les deux ont perdu en moyenne entre 8 % et 10 % de leurs médias d’information locale. Comme les trois quarts des Canadiennes et des Canadiens vivent dans de grandes agglomérations et un autre cinquième dans de petites localités de moins de 30 000 habitants, ces catégories représentent la grande majorité de la population.

Les régions rurales et les villes de 30 000 à 100 000 habitants subissent aussi une privation d’information locale, mais de manière plus limitée, et en 2021, elles ne représentaient que 14 % de la population canadienne.

La perte nette de médias d’information locale depuis 2008 a été très différente selon le type de média. C’est la radiodiffusion publique qui s’en sort le mieux. En moyenne, le nombre de médias de radiodiffusion publique n’a pas beaucoup changé dans les différentes régions canadiennes. Cependant, il y a eu une diminution de la couverture locale dans plusieurs stations de télévision de CBC en 2015, et des stations de radio du réseau Aboriginal Voices ont fermé leurs portes en 2014 et en 2015. Ces pertes ont été compensées par l’ouverture de plusieurs nouvelles stations de radio de CBC/Radio-Canada et par l’expansion du réseau de centres d’information de TVO en 2017-2018.

La situation était bien pire pour les autres types de médias que sont les radiodiffuseurs privés et les médias écrits. Dans l’ensemble du Canada, la radiodiffusion privée d’information locale (radio et télévision) a diminué en moyenne de 9 %, et ce, même s’il n’y a jamais eu de médias de radiodiffusion locale privés dans le tiers des codes postaux, donc aucun à perdre depuis 2008.

Ce sont les médias écrits locaux qui s’en sortent le moins bien. En moyenne, nous avons constaté une perte nette de 11 % dans la presse, les journaux communautaires ou les sources uniquement en ligne. Bien que les moyennes nationales puissent donner un aperçu de la situation, les tendances peuvent s’avérer bien pires au niveau provincial ou municipal, comme nous le verrons plus loin.

Le résultat net de ces changements pour la majorité de la population canadienne n’est pas une absence totale de médias d’information locale, mais plutôt une privation persistante d’accès à l’information locale. D’après nos données, 2,5 millions de Canadiennes et de Canadiens, soit 7 % de la population, vivent dans des codes postaux où il n’y a aucun média local ou un seul. Les communautés qui comptent au moins deux médias d’information sont considérées comme bénéficiant d’une certaine « diversité des voix », telle que définie par le CRTC15. Toutefois, la proportion de la population canadienne habitant dans un endroit où il n’y a aucun média local ou un seul a doublé depuis 2008, pour passer de 3 % à 7 % aujourd’hui.

Sur les 37 millions d’habitants que comptait le Canada en 2021, ce sont ces 2,5 millions qui n’ont pratiquement aucun accès aux nouvelles concernant leur communauté. Bien que le pourcentage de la population canadienne pouvant être considéré comme étant totalement privée d’information soit faible, le phénomène prend rapidement de l’ampleur.

Évolution de l’information locale dans les petites communautés depuis 2008

La situation des grandes agglomérations canadiennes est examinée plus loin, mais dans cette section, nous nous intéressons à l’évolution de la situation des municipalités de moins de 100 000 habitants depuis 2008. Ces communautés représentent le tiers de la population canadienne et englobent trois des quatre catégories de taille de communauté : les régions rurales, les localités de moins de 30 000 habitants et les villes de 30 000 à 100 000 habitants.

En ce qui concerne les petites communautés, chaque province et territoire, à l’exception de l’Ontario, a vu le nombre de ses médias d’information locale diminuer depuis 2008. Les petites communautés de Terre-Neuve-et-Labrador, du Québec, de l’Île-du-Prince-Édouard et du Manitoba sont les plus touchées. En moyenne, pour les codes postaux de Terre-Neuve-et-Labrador désignant de petites communautés, le quart des sources d’information locale ont disparu. Dans les petites communautés du Québec, de l’Alberta et du Manitoba, c’est plutôt un média local sur sept qui a fermé ses portes.

En ventilant les pertes par type de média d’information, on constate que certaines des plus fortes baisses enregistrées dans les petites communautés ont été cataclysmiques. Examinons pour commencer le déclin du journalisme local écrit, y compris les journaux d’information, les journaux communautaires et les actualités locales en ligne.

Terre-Neuve-et-Labrador arrive en tête avec la perte de 73 % de ses sources de nouvelles au cours des 16 dernières années. En dehors de St. John’s, la province se compose de petites municipalités et de zones rurales. Bien souvent, ces communautés n’avaient qu’un seul journal à contenu local. Beaucoup de ces petits journaux locaux ont fermé leurs portes, ce qui représente la disparition de 100 % des sources d’information imprimées pour ces petites municipalités. À titre d’exemple, la fermeture du Charter de Placentia et du Packet de Clarenville a fait perdre à ces municipalités la totalité de leur journalisme écrit local, en plus de faire grimper la moyenne de la province.

Les médias écrits québécois des petites communautés ont été durement touchés eux aussi, les 15 dernières années en ayant vu disparaître trois sur dix. La fermeture à grande échelle des médias locaux n’est pas attribuable à un seul événement. En 2014, Transcontinental a procédé à d’importantes fermetures de journaux communautaires. En 2023, Métro Média a aussi fermé tous ses journaux communautaires, entraînant la disparition de nombreux médias d’information locale qui desservaient les petites communautés depuis plusieurs dizaines d’années.

Seule l’Ontario a enregistré une augmentation du nombre de médias écrits dans ses petites communautés depuis 2008. Toutes les autres provinces et tous les territoires ont enregistré une diminution du nombre de médias écrits dans les petites communautés situées en dehors des grandes agglomérations.

En ce qui concerne les diffuseurs privés d’information locale dans les petites communautés, la situation n’est pas aussi désastreuse que pour les médias imprimés, mais la perte reste généralisée.

Le Manitoba arrive en tête, mais pour une raison particulière. La province n’a aucun radiodiffuseur privé, radio ou télé, en dehors de Winnipeg et de Brandon. Comme cette section ne s’intéresse qu’aux petites communautés, seule la communauté de Brandon y est représentée. En 2009, Brandon a perdu sa seule station de télévision locale, CKX-TV, ce qui fait baisser de 100 % le nombre de diffuseurs privés et fait grimper la moyenne provinciale.

De la même manière, peu de petites communautés de Terre-Neuve-et-Labrador avaient au départ des diffuseurs d’information privés. La fermeture de plusieurs stations de radio importantes, notamment à Corner Brook, Marystown et Labrador City, a donc eu un impact majeur sur le nombre de diffuseurs privés dans les petites municipalités.

Information locale dans les grandes agglomérations canadiennes

Maintenant que nous avons fait le tour des localités, des municipalités et des zones rurales, examinons les grands centres en les désignant chacun par leur nom. Cette section porte sur les villes, ou agglomérations, de plus de 140 000 habitants, qui sont au nombre de 45.

Comme pour les communautés de moindre taille, l’expérience vécue d’une agglomération à l’autre est très différente. D’une manière générale, on y constate une perte d’information locale, mais l’ampleur de la perte ce n’est pas égale partout. Trois agglomérations sur cinq ont vu leur situation se dégrader par rapport à 2008, tandis que 11 % n’ont pas subi de changement et que 27 % ont vu leur nombre de médias d’information locale augmenter.

La banlieue torontoise de Vaughan a subi la plus forte perte moyenne de médias d’information locale depuis 2008. L’un de ses deux journaux locaux, le Vaughan Today, a fermé ses portes en 2013, tandis que l’autre, le Vaughan Citizen, a réduit ses activités suite à la faillite de Metroland en 2023. La ville de Gatineau a dû faire face à des baisses de service ou à la fermeture pure et simple de plusieurs de ses médias écrits locaux. Edmonton a perdu le tiers de ses médias d’information locale, ce qui a entraîné des baisses de service chez ses diffuseurs publics et privés, ainsi que la fermeture pure et simple de plusieurs de ses médias écrits.

Malheureusement, certaines des agglomérations ayant subi les pertes les plus importantes depuis 2008 se classent désormais parmi les moins bonnes couvertures médiatiques locales des grands centres canadiens, comme nous le verrons plus loin. Vaughan et Surrey ont subi la plus grande perte de médias locaux, et c’est en partie pour cette raison qu’elles remportent les pires scores dans notre indice de privation d’information.

Les agglomérations de Brampton, North Vancouver et Mississauga ont enregistré des gains relativement importants en termes de nombre de médias d’information locale, mais au départ, elles en avaient très peu. Comme nous le verrons plus loin, ces gains sont loin d’être suffisants pour alimenter ces populations en croissance rapide en information locale, ce qui fait que les scores remportés par ces agglomérations dans notre indice de privation d’information sont peu enviables.

Rare point positif, Kelowna a augmenté son nombre de médias d’information et son taux de privation d’information est relativement bas.

North Vancouver a doublé le nombre de ses médias d’information locale depuis 2008 en passant d’un seul média à deux avec l’arrivée en 2018 du Global Canadian, rebaptisé depuis le North Shore Daily Post. Brampton, qui avait deux sources d’information locale en 2008, en a quatre depuis 2024. Mississauga est passée de trois à quatre sources d’information locale en 16 ans. Toutefois, ces médias supplémentaires sont loin de suffire à couvrir toute la population de ces communautés.

Indice de privation d’information : grandes agglomérations canadiennes

Bien qu’il soit instructif de comprendre pourquoi et comment l’information locale évolue dans les grandes agglomérations du Canada, il vaut la peine de se demander si les médias sont en nombre suffisant pour couvrir adéquatement les actualités locales telles que les réunions du conseil municipal, les réunions du conseil scolaire, les enjeux communautaires, les affaires publiques locales, les événements culturels, et ainsi de suite. Dans les plus grandes agglomérations, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il y ait plus d’actualités locales et plus de médias pour les couvrir, ce qui est le cas. Dans les moins grandes, on peut s’attendre à ce qu’il y ait moins d’actualités et de médias. Dans cette section, le décompte brut des médias locaux sera donc ajusté en fonction de la taille de la population.

Ce qui ressort clairement de la figure ci-après, c’est qu’une bonne couverture des actualités locales est souvent observée dans les centres régionaux. Les studios des diffuseurs publics et privés se trouvent souvent dans ces centres. L’information produite dans ces centres est relayée par des réémetteurs radio et télé dans toute la région, la province ou le territoire. Comme les stations physiques et les journalistes se trouvent dans un centre régional, la couverture locale est excellente, mais hors de proportion par rapport à la population. Ces stations ont probablement le mandat de couvrir une zone plus vaste, mais au bout du compte, l’information reste principalement locale.

C’est à Yellowknife et Whitehorse que l’on trouve la plus forte concentration d’actualités locales par rapport à la population. Ces agglomérations ont tendance à être les centres de production des médias d’information pour leur territoire respectif, ce qui leur permet d’offrir une couverture locale bien plus importante que leur population ne le laisserait supposer.

Les stations de Saint John (N.B.), St. John’s (T.N.L.) et Charlottetown (Î.P.É.) produisent aussi du contenu pour le reste de leur province et leurs émissions d’information sont relayées par des réémetteurs radio et télé. Dans tous ces centres régionaux, les diffuseurs publics jouent un rôle de premier plan, puisqu’ils représentent la moitié de toutes les sources d’information locale.

À l’autre extrémité du spectre, on constate que la privation d’information locale est répandue en banlieue des grandes agglomérations. Ces communautés ont longtemps fait partie des régions métropolitaines de recensement (RMR), comme les appelle Statistique Canada, en raison de leur niveau élevé d’intégration par navettage à la grande agglomération voisine. À titre d’exemple, Vaughan est fortement intégrée à Toronto. On dit que, du fait de cette intégration, les banlieues profitent des nouvelles locales générées dans la grande agglomération voisine. Indépendamment de cette intégration, les banlieues ont leur propre gouvernement municipal et leur croissance démographique a été rapide depuis 2008. Elles ont vu apparaître quelques nouveaux médias locaux, mais en nombre nettement insuffisant pour pouvoir rendre compte adéquatement des affaires publiques locales, compte tenu de la taille de la population à desservir.

Avec plus de 300 000 habitants, Vaughan, en banlieue de Toronto, n’a que deux sources d’information locale : le Vaughan Citizen et Radio Humber, ayant déjà perdu le Vaughan Today en 2013.

La ville de Surrey, dans la banlieue de Vancouver, ne compte que deux médias d’information, bien qu’elle soit habitée par un demi-million de personnes. Tous ses médias écrits—le Cloverdale Reporter, le Peace Arch News et le Surrey Now-Leader—appartiennent à Black Press Media et sont regroupés dans l’indice.

Deux autres villes de banlieue, Mississauga et Brampton, ont vu leurs sources d’information locale augmenter légèrement au cours des 15 dernières années, mais elles demeurent dans l’ombre de leur voisine Toronto. Leurs codes postaux sont desservis en moyenne par quatre sources, alors que chacune de ces communautés compte trois quarts de million d’habitants.

Contrairement aux centres régionaux, les diffuseurs publics n’ont pas ouvert de nouvelles stations locales dans ces banlieues en croissance rapide. Bon nombre de ces zones suburbaines comptent un demi-million d’habitants ou plus, qui se retrouvent en privation d’information alors qu’il y aurait beaucoup d’actualités locales à couvrir, indépendamment de ce qui se passe dans les grands centres urbains.

Dans les agglomérations où il y a moins de deux médias locaux pour 100 000 habitants, les diffuseurs publics constituent un important pare-feu et fournissent en moyenne le quart des médias d’information.

Pour les diffuseurs publics ou privés, ces zones suburbaines relèvent des grandes agglomérations voisines que sont Toronto, Vancouver et Montréal. Les centres urbains accueillent de grands studios et de puissantes antennes ou tours de diffusion qui acheminent les signaux du centre dans les banlieues. Autrefois, quand les villes de banlieue étaient plus petites que le centre urbain voisin, peut-être qu’une couverture de l’actualité locale ne se justifiait pas. Ce n’est plus le cas. Et pourtant, la couverture de l’information locale s’étiole dans ces zones, et il semble qu’il y ait peu d’intérêt pour l’étendre. Les nouvelles des banlieues finissent par devenir anecdotiques par rapport à l’actualité des centres urbains de Toronto ou de Vancouver.

Que faut-il faire maintenant?

Le taux de privation d’information locale au Canada grimpe à toute allure. Notre analyse démontre que le modèle des médias commerciaux qui a dominé pendant plus d’un siècle n’est plus viable. Malgré les efforts consentis par le gouvernement fédéral pour soutenir financièrement et réglementairement ce modèle, sa fin approche. La solution ne peut pas être de fermer boutique et de faire comme si les actualités locales et les débats publics n’existaient pas. Ce n’est pas parce que le modèle traditionnel des médias locaux est en voie d’extinction que la demande de nouvelles et d’actualités locales va disparaître. Au contraire, selon le ministère du Patrimoine canadien, la plupart des Canadiennes et des Canadiens s’informent désormais en ligne16. Il est donc temps de repenser, de reconstruire et de moderniser la manière dont la population fait le plein d’actualités locales et d’affaires publiques. Toutes les communautés ont le droit et le besoin d’avoir accès à des informations et actualités locales et de prendre connaissance des débats publics. Tout cela est essentiel à la pratique d’une démocratie saine et à l’implication communautaire. C’est également essentiel pour assurer la sécurité des communautés face à la multiplication des urgences climatiques.

Désormais, il faut adopter une démarche plus équilibrée pour permettre la mise en place d’un réseau de médias locaux résilients et réactifs dans tout le pays. Cela pourrait impliquer de faire jouer des rôles nouveaux ou élargis à de nombreux éléments de l’actuel système médiatique canadien. Cela pourrait aussi impliquer de trouver des moyens innovateurs pour mieux utiliser les technologies et les ressources existantes. Les paragraphes qui suivent proposent quelques suggestions pour les prochaines étapes.

Virage numérique des médias écrits

Les journaux locaux et communautaires ont été les plus durement touchés par le virage numérique, qui a mené à un changement des habitudes de consommation de l’information. Ils étaient autrefois omniprésents dans presque toutes les communautés canadiennes, grandes et petites, mais ce n’est plus le cas. Mais si les médias écrits disparaissent, il est important de préserver les connaissances et les compétences des équipes journalistiques et éditoriales qui les ont soutenus. Et justement, c’est possible d’améliorer la diffusion en ligne de cette information locale écrite. Les grands groupes médiatiques tels que Metroland et Black Press sont toujours propriétaires des titres des anciens journaux locaux et communautaires et ils ont déplacé un grand nombre de ces médias en ligne. Bien que le niveau de contenu local ait été réduit dans bien des cas, une reconstruction reste possible. Une solution pourrait être de suivre le modèle testé par de nouveaux venus dans ce domaine, comme Insauga, un groupe de sites de nouvelles communautaires du sud de l’Ontario qui propose gratuitement de l’information locale financée par des publicités micro-ciblées. Un autre exemple d’innovation dans l’écrit en ligne nous est offert par des journalistes locaux qui se sont tournés vers des solutions numériques pour continuer à desservir leurs communautés, que ce soit par l’intermédiaire de Substack ou de leurs propres sites Web, souvent en levant des fonds par sociofinancement. Les deux principaux défis posés par ces modèles sont d’assurer leur viabilité à long terme et de sensibiliser le public à l’existence de ce contenu. L’étape suivante consiste à concevoir des systèmes capables de faire connaître ces services naissants d’information locale aux communautés visées. Il faut continuer d’expérimenter des moyens d’impliquer des partenaires de la communauté pour faire savoir que le contenu en ligne existe et pour faciliter l’accès des utilisateurs, par exemple via des chaînes municipales et des écoles et bibliothèques locales.

CBC/Radio-Canada

CBC/Radio-Canada est notre radiodiffuseur public national. Son réseau couvre l’ensemble du territoire canadien et dessert les provinces et les territoires dans les deux langues officielles, à la radio et à la télévision. La société CBC/Radio-Canada propose une programmation très diversifiée : fictions, comédies, documentaires, musique, spectacles en direct, affaires publiques et actualités. Bien que la société diffuse déjà une programmation locale dans un certain nombre de villes et de communautés, ses services ne sont pas homogènes sur l’ensemble du territoire canadien. Et à certains moments de son histoire, la société s’est montrée réticente à l’idée d’élargir son rôle au niveau des services locaux et régionaux.

La nécessité d’élargir le rôle de CBC/Radio-Canada dans l’information locale et régionale a été soulignée très récemment par la ministre du Patrimoine canadien lors de la publication de son rapport intitulé L’avenir de CBC/Radio-Canada, le 20 février 2025. Ce rapport décrit le rôle de la société dans l’information locale comme étant une opportunité à saisir :

« À une époque où de nombreux médias privés réduisent leurs dépenses, retiennent de nouveaux investissements ou se retirent des communautés qu’ils servaient autrefois, le rôle de la radiodiffusion de service public dans la société civile et le discours public n’a jamais été aussi essentiel à une participation active et éclairée à la vie civique. »17

Le rapport recommande expressément que le mandat prévu par la loi pour CBC/Radio-Canada fasse spécifiquement référence au « rôle crucial joué par le radiodiffuseur dans la présentation de nouvelles, d’informations et d’émissions d’affaires publiques »18.

Bien qu’il s’agisse d’une première étape importante, il est nécessaire de mettre en place au sein de CBC/Radio-Canada une politique plus formelle et une stratégie de mise en œuvre de services d’information locale qui soient équitables, exhaustifs et transparents pour toutes les communautés. Cette stratégie doit aller au-delà de la récente annonce à l’effet que des journalistes vont être affectés à de vastes zones géographiques19. Toutes les communautés canadiennes méritent des stations de radio ou de télévision locales de CBC/Radio-Canada pour s’alimenter en information locale et faire le pont entre le contexte local et les débats régionaux et nationaux plus larges. Le financement de ces stations peut provenir du nouveau modèle proposé dans le rapport récent de la ministre, ainsi que des fonds que CBC/Radio-Canada reçoit en vertu de la Loi sur les nouvelles en ligne.

Médias communautaires

Les médias communautaires constituent une autre option pour l’information locale et communautaire. Les stations de radio et de télévision communautaires et de campus font partie intégrante de l’écosystème canadien de la radiodiffusion. Elles cumulent une longue et importante histoire au Canada. Elles ont été créées à l’origine pour mieux desservir les communautés rurales et isolées. La différence des radios communautaires réside dans le fait qu’elles sont conçues pour permettre aux membres de la communauté de participer à la production médiatique. Leur structure opérationnelle est à but non lucratif, souvent en lien avec une université ou un collège en tant que ressource éducative pour les étudiants. Elles ont longtemps été négligées comme moyen de mieux desservir les communautés locales, mais la Loi sur la diffusion continue en ligne20 est venue renforcer et préciser leur rôle communautaire en amendant la Loi sur la radiodiffusion. Il revient maintenant au CRTC de créer un meilleur cadre de mise en œuvre et de fournir un financement adéquat aux stations communautaires pour qu’elles puissent répondre à cette nouvelle orientation législative. Il est important de noter que les stations communautaires sont admissibles à générer des revenus en vertu de la Loi sur les nouvelles en ligne21.

La télévision d’accès communautaire est depuis longtemps une source centrale en matière d’information locale et d’affaires publiques. Dans de nombreuses communautés, ces stations ont permis de produire du contenu et de télédiffuser les réunions du conseil local, les débats des élections municipales, ainsi que d’autres activités et événements locaux dignes d’intérêt. À l’origine, ces services étaient fournis par les câblodistributeurs en tant que contrepartie réglementaire pour obtenir le monopole d’accès aux communautés qu’ils desservaient. Bien que la câblodistribution ne soit plus un environnement monopolistique et que de plus en plus de Canadiennes et de Canadiens délaissent ce mode d’accès au profit de services numériques de diffusion en continu, les stations de télévision d’accès communautaire existent toujours et continuent de proposer une programmation locale. En outre, plusieurs d’entre elles déménagent leur programmation en ligne, ce qui pourrait les rendre plus attrayantes pour les communautés locales.

Conclusion

Bien que la population du Canada ait augmenté de huit millions de personnes depuis 2008, le nombre de médias locaux a chuté de façon vertigineuse. L’année 2023 a été la pire jamais enregistrée pour les médias écrits locaux et 2024 a été la pire pour les radiodiffuseurs privés locaux. La disparition des médias écrits locaux dans les petites communautés de Terre-Neuve-et-Labrador a été tout simplement catastrophique, car souvent, c’est l’unique journal du coin qui a mis la clé sous la porte.

Malgré un net recul au milieu des années 2010, la radiodiffusion publique est restée le pilier de l’information locale au Canada.

La privation d’information est généralisée dans les banlieues. Les médias locaux ne se sont tout simplement pas développés assez rapidement pour alimenter ces grandes population en information locale. Dans de nombreux cas, ils ne se sont même pas développés du tout. La radiodiffusion publique pourrait jouer un rôle beaucoup plus important dans la couverture de l’actualité locale, mais elle ne s’est pas développée au rythme de la population ni adaptée aux tendances changeantes du monde de l’information.

Ce nouveau siècle réclame de nouveaux modèles de journalisme local. L’expansion des médias publics comme CBC/Radio-Canada et les radiodiffuseurs communautaires est un moyen d’y parvenir. Soutenir davantage la transition numérique du journalisme écrit d’information locale, qui a été le plus touché par les pertes de médias, est une autre solution.

Une chose est sûre : la nature a horreur du vide. Si l’on n’assure pas une couverture médiatique locale responsable, les plateformes sociales s’empresseront de combler ce vide, bien souvent en diffusant de la désinformation.

Méthodologie

L’ensemble de données créé pour cette analyse se situe au niveau de la région de tri d’acheminement (RTA). La RTA est représentée par les trois premiers chiffres du code postal. Tous les termes géographiques désignant des villes ou des quartiers ont été convertis en RTA. Les zones de diffusion des stations ont également été converties en RTA.

Lorsqu’une RTA est desservie par plusieurs médias qui appartiennent au même propriétaire, un seul média est compté. Par exemple, pour une RTA qui reçoit à la fois une émission de CBC Radio One et une émission de CBC Music, un seul média est compté. Toutefois, une exception est prévue pour les quotidiens, si bien que chacun est compté comme un média distinct, même si son propriétaire en possède d’autres. Par exemple, Postmedia possède l’Ottawa Citizen et l’Ottawa Sun, mais chacun est compté comme un média distinct.

L’ensemble de données intègre cinq principales sources de données :

  1. Pour suivre l’évolution de l’information locale, nous utilisons les compilations cartographiques du Local News Research Projet (Local News Map)22. Il s’agit d’un suivi détaillé des changements survenus dans les médias d’information locale entre 2008 et décembre 2024.
  2. Pour déterminer le nombre total de sources d’information locale télévisées et écrites, nous utilisons la base de données de CBC/Radio-Canada23, qui a été mise à jour pour correspondre aux données plus récentes de Local News Map.
  3. Pour compléter la base de données de CBC/Radio-Canada, nous avons ajouté la liste des publications de Project Oasis pour le Canada lorsque c’était pertinent24.
  4. Le Répertoire des stations de radio canadiennes25 fournit une liste complète des stations, de leur activité principale, ainsi que de leur nature publique, privée ou communautaire. Nous n’avons tenu compte que des stations dont l’activité principale est l’information ou le contenu autochtone.
  5. Le site Web fccdata.org cartographie la zone pratique de diffusion de tous les signaux radio et télé au Canada, ce qui nous permet de déterminer toutes les RTA présentes dans chaque zone de diffusion radio ou télé.

La présente analyse se concentre sur les médias d’information locale, et non nationale ou internationale. Elle met l’accent sur la capacité à rendre compte de l’actualité locale de manière continue. Elle inclut les sources d’information traditionnelles telles que les stations de radio et de télévision locales qui déploient des journalistes au sein de la communauté, mais aussi les quotidiens traditionnels, les journaux communautaires qui ont récemment proliféré et la presse écrite uniquement en ligne. L’analyse ne porte pas sur la qualité de l’information. Par exemple, un quotidien ou un mensuel compte pour un seul média. L’analyse n’aborde pas non plus la question des pertes ou des gains d’emplois chez les journalistes d’information locale.

En radiodiffusion, le recours aux réémetteurs est une pratique de plus en plus courante. Cela permet aux stations de radiodiffusion qui ont toujours desservi une seule zone géographique de s’étendre au-delà des limites de cette zone pour atteindre d’autres villes ou régions. Le réémetteur élargit la fréquence de la station en « réémettant » son contenu local vers une zone géographique plus large. Aux fins de notre analyse, les réémetteurs ne sont pas considérés comme des stations d’information locale, bien que la station primaire le soit.

Par ailleurs, les antennes de radio et de télévision de grande puissance pourraient atteindre un vaste public lorsqu’elles sont en altitude, comme au sommet de la Tour du CN à Toronto ou du Mont-Royal à Montréal. À titre d’exemple, une antenne de la Tour du CN pourrait rejoindre près de 10 millions de personnes, soit un quart de la population canadienne. Les stations ont des journalistes locaux et des bulletins d’information, mais leurs conditions de licence stipulent qu’elles doivent desservir uniquement la ville où elles ont leur licence. Par conséquent, notre analyse considère que ces stations sont locales à l’endroit où elles sont situées. Ainsi, les émissions diffusées depuis la Tour du CN constituent de l’information locale pour les habitants de Toronto, mais pas pour ceux de Barrie, en Ontario (qui reçoit certaines des émissions de Toronto).

En dehors des grandes zones de diffusion mentionnées ci-dessus, nous avons déterminé quelles RTA reçoivent les émissions de toutes les stations radio et télé de notre ensemble de données. Lorsqu’une RTA est rejointe par l’émission radio ou télé d’un émetteur primaire (et non d’un réémetteur), l’émetteur est considéré comme un média d’information locale pour cette RTA.

Une variation nette des médias locaux a été calculée pour chaque RTA. Sauf indication contraire, cette variation compare 2008 à décembre 2024. Les médias qui ont ouvert puis fermé entre ces deux dates s’annulent et ne sont pas pris en compte dans notre analyse.

Le Local News Research Project fournit le statut le plus récent des médias d’information, donc un seul enregistrement par média. Pour calculer correctement la variation nette, il faut disposer des enregistrements de création des médias d’information, si cela s’est produit entre 2008 et 2024.

Le Local News Research Project prévoit huit types de transitions qu’un média peut connaître. Un score de variation nette est attribué à chacun, comme indiqué dans le tableau 1, et les changements s’additionnent pour une zone géographique donnée. Les diminutions de service dues à la perte d’un journal imprimé pour les Canadiennes et les Canadiens plus âgés, les transformations en journaux communautaires ou les pertes de service dues à des fusions sont tous traités comme si un demi-média était perdu. Ces transitions sont préférables à une fermeture totale, mais elles affectent la quantité d’information locale produite et accessible. Le fait qu’un nouveau média soit créé à la suite d’une fusion ne vient pas modifier le décompte, car la perte d’information n’est pas compensée.

Il est arrivé que des médias écrits fusionnent à plusieurs reprises pour former un journal de plus en plus grand qui, éventuellement, a fermé ses portes. Dans ces cas, tous les médias originaux ont été codés comme fermés et le codage des fusions ultérieures a été supprimé.

Remerciements

Nous tenons à remercier la professeure émérite April Lindgren de l’Université métropolitaine de Toronto pour les précieux conseils qu’elle nous a prodigués dans la rédaction de ce rapport. Nous lui sommes également reconnaissants, ainsi qu’à ses collègues du Local News Research Project, pour toutes les données qu’ils ont collectées et pour leur engagement à faire connaître l’état des médias d’information locale à travers le Canada.

Notes

  1. Gouvernement du Canada. 22 mai 2019. Glossaire des termes—Initiative de journalisme local, https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/financement/initiative-journalisme-local/glossaire.html.
  2. Cosh, Alex. 7 juillet 2023. « The Corporate Takeover of Canadian News Media Is Accelerating ». Jacobin, https://jacobin.com/2023/07/canada-news-media-toronto-star-postmedia-nordstar-journalism-corporate-takeover.
  3. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). 15 janvier 2008. Avis public de radiodiffusion CRTC 2008-4, https://crtc.gc.ca/fra/archive/2008/pb2008-4.htm.
  4. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). 15 juin 2016. Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2016-224, https://crtc.gc.ca/fra/archive/2016/2016-224.htm.
  5. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). 17 décembre 1999. Avis public CRTC 1999-197 : Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias, https://crtc.gc.ca/fra/archive/1999/pb99-197.htm.
  6. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). 4 juin 2009. Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2009-329 : Examen de la radiodiffusion par les nouveaux médias, https://crtc.gc.ca/fra/archive/2009/2009-329.htm.
  7. Gouvernement du Canada. Fonds du Canada pour les périodiques, https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/financement/fonds-periodiques.html.
  8. Agence du revenu du Canada. 27 juillet 2021. Au sujet du crédit d’impôt pour les abonnements aux nouvelles numériques, https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/particuliers/sujets/tout-votre-declaration-revenus/declaration-revenus/remplir-declaration-revenus/deductions-credits-depenses/toutes-deductions-tous-credits-toutes-depenses/abonnement-aux-actualites-numeriques.html.
  9. Gouvernement du Canada. 18 novembre 2024. Initiative de journalisme local, https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/financement/initiative-journalisme-local.html.
  10. Gouvernement du Canada. 22 mai 2019. Glossaire des termes—Initiative de journalisme local, https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/financement/initiative-journalisme-local/glossaire.html.
  11. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). 21 mars 2014. Élimination du Fonds pour l’amélioration de la programmation locale (FAPL), https://crtc.gc.ca/fra/info_sht/tv13.htm.
  12. Tunney, Catharine. 22 juin 2023. « Meta to End News Access on Facebook and Instagram in Canada », CBC News, https://www.cbc.ca/news/politics/online-news-act-meta-facebook-1.6885634.
  13. Lindgren, April. 19 février 2025. « Local News Is Dying. The Consequences Are Worse than You Think », The Walrus, https://thewalrus.ca/local-news-is-dying-the-consequences-are-worse-than-you-think/.
  14. Statistique Canada, tableau 17-10-0009-01, Estimations de la population, trimestrielles.
  15. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). 15 janvier 2008. Avis public de radiodiffusion CRTC 2008-4, https://crtc.gc.ca/fra/archive/2008/pb2008-4.htm.
  16. Gouvernement du Canada. 15 avril 2024. La Loi sur les nouvelles en ligne, https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/nouvelles-en-ligne.html.
  17. Gouvernement du Canada. 2024. L’avenir de CBC/Radio-Canada, https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/organisation/publications/publications-generales/avenir-cbc-radio-canada.html#a3e.
  18. Ibid.
  19. CBC Media Centre. 15 janvier 2025. CBC Expands Local News Coverage in 22 Underserved Communities Across the Country, https://www.cbc.ca/mediacentre/press-release/cbc-expands-local-news-coverage-in-22-underserved-communities-across-the-co.
  20. Gouvernement du Canada. 27 avril 2023. Loi sur la radiodiffusion (projet de loi C-11, sanction royale)—3(iii.4), 5(ii), 5.1(iv), Parlement du Canada, https://www.parl.ca/documentviewer/fr/44-1/projet-loi/C-11/sanction-royal.
  21. Gouvernement du Canada. 22 juin 2023. Loi sur les nouvelles en ligne (projet de loi C-18—sanction royale) –27(1)(a), Parlement du Canada, https://www.parl.ca/documentviewer/fr/44-1/projet-loi/C-18/sanction-royal.
  22. Local News Research Project. Décembre 2024. Local News Map Data Reports, .
  23. CBC/Radio-Canada. 2024. Répertoire des médias locaux, https://cbc.radio-canada.ca/fr/transparence-et-engagement/repertoire-des-medias-locaux .
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