La mondialisation, les accords commerciaux et les médicaments

November 26, 2001

Les concessions du gouvernement canadien face aux grandes sociétés pharmaceutiques multinationales, y compris le prolongement à vingt ans de leur monopole sur les nouveaux médicaments, ont eu pour effet de faire grimper en flèche le coût des ordonnances médicales, éventuellement de bloquer la création d’un programme national d’assurance-médicaments et de faire du Canada un complice dans le refus de permettre aux pays en développement d’avoir accès à des médicaments d’importance vitale.

Voilà les principales conclusions d’une étude récente faite par le docteur Joel Lexchin, pour le compte du Centre canadien de politiques alternatives. M. Lexchin a beaucoup écrit sur le sujet des ordonnances médicales. Il est professeur associé au School of Health Policy de l’Université York et au Département de médecine familiale et communautaire de l’Université de Toronto.

L’étude, intitulée Globalization, Trade Deals and Drugs, souligne que le monopole plus long accordé aux sociétés pharmaceutiques a été l’une des concessions faites lors du premier Accord de libre-échange canado-américain; il était aussi une condition pour que le Canada participe à l’ALENA et à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).

´ Depuis 1993, note Joel Lexchin, la hausse du coût des ordonnances pour les nouveaux médicaments brevetés a été de quelque 20,9 % par année, en moyenne, en comparaison d’une augmentation de 6,6 % par année avant 1987. La croissance procentuelle dans les dépenses pour les médicaments entre 1985 et 1998 a été plus du double que celle des dépenses globales pour la santé.

´ Le contrôle de ces coûts est essentiel pour que les Canadiennes et Canadiens soient certains d’obtenir les médicaments dont ils ont besoin lorsqu’ils sont malades et on pourrait mieux atteindre cet objectif si on avait un régime national d’assurance-médicaments, et ce pour les mêmes raisons que l’assurance-maladie est le meilleur moyen d’assurer l’accès aux traitements médicaux nécessaires. Selon mes calculs, un tel régime d’assurance-médicaments pourrait réduire les coûts généraux des médicaments sur ordonnance de plus de 650 millions de dollars par année, tout en fournissant une couverture à toute la population. ª

Par contre, dans son étude, le docteur Lexchin constate que les accords commerciaux ont érigé des barrières à l’adoption d’un tel régime public d’assurance-médicaments en vertu de l’article 11 de l’ALENA; par exemple, si un régime d’assurance-médicaments devait empêcher les sociétés étrangères, comme Liberty Mutual, de continuer à vendre de l’assurance-médicaments au Canada (comme ce serait le cas), la société pourrait intenter des poursuites de plusieurs millions de dollars contre le gouvernement fédéral pour la perte de profits réels et anticipés.

Le docteur Lexchin dénonce la décision du Canada de se ranger du côté des États-Unis et d’appuyer les efforts des sociétés pharmaceutiques pour empêcher les pays pauvres d’Afrique d’obtenir les versions génériques moins coûteuses des médicaments pour le VIH et le SIDA. C’était là une violation de l’engagement que le Canada a pris, de souligner Joel Lexchin, quand il a signé et ratifié le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Ce pacte garantit à toutes et tous le droit de jouir des normes les plus élevées possibles pour la santé physique et mentale.

Le docteur Lexchin dit carrément qu’en appuyant les États-Unis dans ce différend, le Canada place son engagement en faveur des accords commerciaux avant son engagement pour la santé des pays en développement.

Offices: