La privatisation mine l’assurance-maladie

November 6, 2000

Qu’est-ce qui ne va pas avec la privatisation des soins de santé? Bien des choses.

C’est la conclusion tranchante des auteurs du rapport sur les soins de santé intitulé Health Care, Limited, un nouveau rapport de synthèse sur l’état du système de soins de santé du Canada, préparé pour le Conseil des Canadiens par le Centre canadien de politiques alternatives.

Sa conclusion? ´ L’assurance-maladie peut soit être préservée soit être privatisée. Elle ne peut pas être les deux à la fois. ª

Publié quelques jours avant les débats des chefs des partis fédéraux, le rapport du Centre canadien de politiques alternatives contient des faits et des chiffres sur la privatisation de l’assurance-maladie qui soulignent son importance à titre d’enjeu électoral majeur.

Préparé sous la direction des analystes des soins de santé Pat Armstrong, Hugh Armstrong et Colleen Fuller, le rapport mentionne que la privatisation des soins de santé au Canada, dont une partie est clairement faite en violation de la Loi canadienne sur la santé, s’est accrue et accélérée au cours de la dernière décennie. Elle a pris diverses formes :

  • la privatisation des coûts des soins de santé par le transfert du fardeau des paiements aux individus ou à leurs régimes d’assurance privés;
  • la privatisation de la prestation des services au moyen de la sous-traitance en faveur des prestataires privés à but lucratif et du transfert des soins des établissements publics aux ménages où ce sont surtout les femmes qui doivent faire le travail sans rémunération;
  • l’embauche d’entreprises privées pour fournir les services de buanderie, d’entretien ménager, alimentaires et les autres services dans les hôpitaux et autres établissements;
  • l’introduction, dans le système de soins de santé, de techniques de gestion comme la restructuration, la ´ gestion de la qualité totale ª et les demandes de propositions développées par et pour le secteur privé.

Le rapport démontre que le système privé est inefficace, entraîne l’inégalité et l’inaccessibilité, fait appel aux familles (principalement aux femmes) pour offrir des soins non payés anciennement fournis par les hôpitaux, et réduit la responsabilisation démocratique parce qu’il est plus difficile de contrôler les gestionnaires privés que les établissements publics. Contrairement à l’affirmation des cliniques privées à l’effet qu’elles sont nécessaires pour réduire les longues listes d’attente, les files d’attente pour recevoir des soins publics sont en fait plus longues avec un meilleur accès aux soins privés.

Au provincial, le rapport décrit comment l’approche de la ´ crise ª des soins de santé a varié dans différentes parties du Canada, avec certaines provinces qui ont pris des mesures pour réfréner la privatisation et les autres qui en font activement la promotion, souvent avec le consentement tacite ou explicite du gouvernement fédéral.

Selon le rapport, ´ plus l’assurance-maladie est privatisée, plus elle ressemblera au système à but lucratif privé américain. Les divers problèmes qui s’y sont développés, documentés par de nombreuses études, devraient servir comme élément de dissuasion pour l’adoption du modèle américain au Canada. ª Ces problèmes incluent des coûts plus élevés, un accès réduit, une fixation malsaine sur les bénéfices et de nombreux cas de fraude et de corruption.

Les auteurs du rapport émettent un avertissement à l’effet que les ententes commerciales comme l’ALENA et l’Accord général sur le commerce des services facilitent l’invasion par les grandes entreprises privées de soins de santé dans notre système de soins de santé public. Il montre comment les instances supérieures acceptent la privatisation.

Le rapport expose en détail l’insuffisance de fonds et la négligence des soins de santé par les gouvernements fédéral et provinciaux et décrie les ´ réformes ª qui ont été motivées davantage par une idéologie néolibérale axée sur le marché que par une préoccupation véritable pour les malades ou pour les femmes en majeure partie qui offrent des soins payés et non payés.

´ L’accent a été mis sur l’efficacité, qu’on a définie en termes de profits. L’application des principes du marché sert à justifier le transfert des services du secteur public au secteur privé. Les Canadiennes et Canadiens quittent l’hôpital plus tôt et plus malades, et se voient obligés de compter davantage sur les soins non payés de leurs parents ou amis, ou, de plus en plus, sur les soins fournis par le secteur privé à but lucratif... De plus en plus de soins sont donnés en fonction de la capacité de payer.

´ Ces "réformes" pourraient fonctionner seulement si les parties du corps pouvaient être traitées comme des pièces d’automobile... Plutôt que de privatiser le système de soins de santé du Canada, de conclure les auteurs du rapport, nos gouvernements devraient revitaliser et reconstruire un système public qui reconnaît que les établissements de soins de santé sont différents des garages et que la santé est un droit démocratique pour toutes les citoyennes et tous les citoyens. ª

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