Fast Facts: Augmentation du salaire minimum

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January 6, 2010

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) et le Winnipeg Free Press (WFP) ont demandé dernièrement au gouvernement manitobain de renoncer à la politique de 1999 d'augmentation annuelle obligatoire du salaire minimum. Selon la FCEI (Business group rejects hike to minimum wage, 26 décembre 2009), une augmentation du salaire minimum maintenant nuirait à certains petits employeurs. Dans son article du 3 décembre 2009 intitulé Not now, le WFP exprimait la même opinion.

Nous pensons que la politique anti-hausse du salaire minimum serait la pire intervention du gouvernement dans les conditions actuelles.

Le WFP donne à entendre que les décisions sur le salaire minimum sont arbitraires. C'était vrai quand les gouvernements conservateurs de 1988 à 1999 ont fait correspondre les augmentations du salaire minimum aux échéances électorales. Les conservateurs formaient un gouvernement minoritaire en 1988. Le salaire minimum était alors de 4,70 $. Quand ils étaient à la tête du gouvernement, ils l'ont augmenté quatre fois : à 5 $ le 1er mars 1991; à 5,25 $ le 1er juillet 1995; à 5,40 $ le 1er janvier 1996; et à 6 $ le 1er avril 1999.

Après l’avènement au pouvoir du parti NPD en 1999, celui-ci a supprimé l'arbitraire dans le processus et institué des augmentations annuelles du salaire minimum, avec pour objectif de réduire la pauvreté en augmentant le salaire des travailleurs pauvres, et d'éliminer l'incertitude créée par la façon de faire des 10 années précédentes. Le gouvernement reconnaissait également que les augmentations de salaire des travailleurs à faible revenu stimuleraient l'économie locale.

Le NPD dirige le gouvernement depuis 11 ans maintenant. Depuis le 1er avril 2001, les 10 augmentations du salaire minimum se sont traduites par une augmentation cumulative de 3 $, passant de 6 $ à 9 $. La situation des travailleurs à faible revenu s'est améliorée tant en termes absolus qu’en termes relatifs.

Actuellement, les effets de la récession économique mondiale s'intensifient au Manitoba. La FCEI propose de ne pas toucher au salaire minimum afin de réduire la pression exercée sur les petites entreprises qui se débattent pour survivre. Pensez-y. Environ 25 000 travailleurs profiteraient d'une augmentation du salaire minimum. On demande à ces travailleurs (environ 60 % de femmes, 30 % de 25 à 54 ans, 90 % de non-syndiqués) d'accepter une réduction de leur salaire réel afin de subventionner des entreprises marginales.

Il en résulterait une érosion du niveau de vie déjà peu enviable des travailleurs à faible revenu. Beaucoup d'autres se verraient obligés de recourir aux soupes populaires et aux banques alimentaires. Dans tout le Canada, de mars 2008 à mars 2009, le nombre de Canadiens faisant appel aux banques alimentaires a augmenté de 18 %. Plus du tiers des clients des banques alimentaires sont des enfants. La moitié sont des familles avec enfants. Une famille sur cinq compte un membre qui travaille à temps plein. La tendance est la même à Winnipeg. Environ 18 000 enfants par mois profitent des banques alimentaires. Il y a dix ans, ce nombre était de 5 512, et a donc plus que triplé. Cela s’explique, entre autres, par les faibles salaires. Comme Moisson Winnipeg le fait remarquer : « Les enfants pauvres vivent dans des familles pauvres » dont, dans bien de cas, les parents travaillent. Pourquoi augmenterions-nous sciemment le nombre de ces personnes forcées de faire appel aux banques alimentaires?

La formidable générosité des Manitobains au temps des Fêtes et tout au long de l'année, dont les dons de charité témoignent, en est la preuve et nous donne à penser que la plupart de ces Manitobains ne veulent pas voir le désespoir empirer. Ils veulent que ceux qui se trouvent au bas de l'échelle salariale puissent vivre dans la dignité. Cela veut dire maintenir la politique d'augmenter le salaire minimum.

Ce qui ressort de plus en plus depuis les récentes décennies est que l'augmentation importante des inégalités qui ont fait leur apparition dans les économies capitalistes, en conséquence des politiques de déréglementation et de réduction des impôts et des taxes, est à la fois moralement répréhensible et néfaste à long terme pour la santé des économies et des sociétés. C'est littéralement le cas. Des études de partout dans le monde ont souvent établi le lien entre les niveaux élevés d’inégalité du revenu et la mauvaise santé, y compris des études importantes et reconnues internationalement réalisées par le Centre manitobain des politiques en matière de santé. On ne semble plus contester l’idée que l'inégalité est source de mauvaise santé.

Si c’est le cas, pourquoi s'opposerait-on aux augmentations du salaire minimum, ou même du salaire des préposés en garderie ou de tout autre travailleur dont le revenu est relativement faible? Surtout si l’on sait que Statistique Canada rapporte qu'une majorité de Canadiens ont vu leurs revenus stagner ou diminuer au cours des 30 dernières années, alors que les revenus des 10 % mieux nantis ont continué d’augmenter, élargissant ainsi l'écart? Pourquoi ne s'opposerait-on pas aux salaires énormes versés aux dirigeants d'entreprises locales, comme le rapporte le Free Press dans un article publié le 2 janvier 2010 (No Gloom in Million-Dollar CEO Club)? Cet article révèle que le PDG d'une grande entreprise de Winnipeg a reçu un salaire de 750 000 $ plus un boni d'un million de dollars, et que d'autres dirigeants de Winnipeg ont profité d'accords de rémunération d'un million de dollars. Par contre, l'article ne dit pas un mot de la nécessité dans ces temps difficiles de geler, encore moins de réduire, leur salaire. C'est le salaire minimum qu’il faut geler, nous dit-on, pour le bien de tous.

Non, Virginia, ce n'est pas le salaire minimum qui est le problème. Une part importante du problème se trouve dans la culture du « tout m'est dû » aux échelons supérieurs. Près de 5 000 banquiers de Wall Street ont reçu dernièrement des bonis d'au moins un million de dollars en plus de leur salaire. Le problème est aussi dans l'attitude du chien du jardinier (qui ne mange point de choux et n'en laisse point manger aux autres) face aux augmentations tout à fait modestes des petits salariés.

C'est destructeur du point de vue économique, et c’est une erreur du point de vue moral. Qui attachera le grelot au chat (de plus en plus gras)?

L’augmentation du salaire minimum.

M. Jim Silver et M. Errol Black sont membres du conseil du Centre canadien de politiques alternatives — Manitoba

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