Le véritable enjeu des garderies

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January 23, 2009

Un tout nouveau rapport de l’UNICEF véhicule des renseignements importants pour les Manitobains et Manitobaines. Cette information devrait susciter des mesures immédiates.

L’étude, intitulée The Child Care Transition, révèle que les habitants des pays les plus riches de la planète passent une grande partie de leur petite enfance dans un service quelconque de garde d’enfant, qui n’applique pas toujours des pratiques exemplaires. Néanmoins, les garderies font partie de la vie de la plupart des enfants. L’inscription à des programmes préscolaires, nous apprend le National Research Council des États-Unis, « est importante, augmente et est là pour rester ».

Certains commentateurs s’inquiètent de cette nouvelle réalité, mais pas pour les bonnes raisons, affirmait récemment Mme Rebecca Walberg qui exprimait son opinion contre les garderies, critiquant les généreuses innovations du Québec (For the Sake of the Children, Winnipeg Free Press du 7 déc.). Elle-même et d’autres opposants à l’accès universel aux garderies et à l’éducation sont la minorité et passent à côté du vrai problème.

Les spécialistes en sciences sociales, les psychologues du développement, les chercheurs du domaine de la santé et les éducateurs sont d’avis qu’une bonne garderie aide l’enfant à se développer. Dans leur rapport détaillé intitulé Neurons to Neighborhoods: The Science of Early Childhood Development, d’éminents chercheurs de l’American Academy of Science arrivent à la conclusion que « la relation positive entre la qualité de la garderie, et virtuellement toutes les facettes du développement de l’enfant qui ont été étudiées, est l’un des résultats les plus constants de la science du développement ».

Des soins d’excellente qualité « sont associés à des résultats que tous les parents souhaitent pour leurs enfants, allant de la collaboration avec les adultes à l’habileté d’amorcer et de maintenir des échanges positifs avec leurs pairs, en passant par les premières compétences en mathématiques et en lecture ».

En outre, la garderie est essentielle en vue de réduire la pauvreté familiale, car elle permet aux parents de suivre des séances de formation, de poursuivre leurs études et de trouver un emploi. Une garderie fiable est essentielle aux mères qui doivent ou veulent travailler pour un salaire, acquérir des compétences ou retourner aux études.

Sans une garderie à prix abordable et fiable, les femmes se voient obligées de quitter le marché du travail, d’occuper des emplois à temps partiel peu rémunérés ou qui n’offrent aucun espoir d’avancement. Certaines femmes, en particulier les monoparentales, se voient forcées de dépendre de l’aide sociale ou de franchir le seuil de la pauvreté.

Une garderie fiable aide tous les parents à trouver l’équilibre entre leurs responsabilités professionnelles et familiales. Même les familles riches ont du mal à trouver l’équilibre entre leur travail et la vie de famille, et les programmes d’éducation de la petite enfance sont l’un des moyens de réduire le stress familial. Au 21e siècle, maintenant que les familles se déplacent d’un pays à l’autre et autour du monde, elles ne peuvent pas toujours compter sur la parenté pour garder leurs enfants. La garderie est une des façons d’offrir un soutien familial, un complément aux congés parentaux qui permettent aux nouveaux parents de passer plus de temps avec leurs très jeunes enfants.

Les réalités économiques jouent également un rôle dans la raison pour laquelle les Manitobains et Manitobaines, comme tous les Canadiens, ont besoin d’un accès universel à des garderies d’excellente qualité. Dans l’immédiat, les employeurs perdent du temps et de la productivité en raison des conflits entre la vie professionnelle et la vie familiale. Le Conference Board du Canada estime que ces conflits coûtent aux entreprises canadiennes au moins 2,7 milliards de dollars par année.

La Winnipeg Chamber of Commerce a déterminé que ce sont les enjeux de la main d’œuvre qui nuisent le plus à la croissance économique. Elle a mentionné le maintien en poste, la formation et la planification du roulement de personnel comme les principales préoccupations des employeurs. La garderie peut aider les entreprises à surmonter ces obstacles.

Les garderies constituent un service « vert » qui nécessite beaucoup de main-d'œuvre, et procure donc des emplois durables. Une nouvelle recherche effectuée au Manitoba a estimé que chaque dollar investi en garderie génère 1,58 $ en activité économique.

Des économistes comme le récipiendaire du prix Nobel James Heckman ont démontré que les investissements dans l’éducation de la petite enfance sont avantageux pour les enfants, les familles, les gouvernements et l’économie du pays.

Ce qui importe pour obtenir des gains avantageux est la qualité de l’expérience des enfants. Le rapport de l’UNICEF a évalué les 25 pays les plus développés du monde en fonction de 10 critères de qualité et d’excellence. Malheureusement, le Canada arrive à égalité avec le pays occupant la dernière place, ne respectant qu’une seule des normes recommandées.

Les responsables des orientations politiques doivent immédiatement se pencher sur l’architecture de la politique actuelle, qui offre trop peu de ressources et les répartit de façon inefficace. Le Manitoba peut apprendre beaucoup du Québec, qui respecte six des 10 indices. Le Québec a amélioré l’accès, a réduit les frais pour les parents (à 7 $ par jour), a amélioré la formation du personnel et a augmenté leur salaire.

La récession économique actuelle justifie d’apporter ces améliorations dès maintenant plutôt que d’attendre. M. Heckman en explique les raisons : l’investissement dans la jeune enfance « est un rare projet de politique publique qui fait la promotion de l’équité et de la justice sociale tout en favorisant la productivité dans l’économie et la société en général ».

Pour le bien de nos enfants et de nos familles, il est urgent que le Manitoba se dote d’un excellent réseau de garderies et d’éducation de la petite enfance de très bonne qualité.

 Mme Susan Prentice est professeure agrégée au département de sociologie de l’Université du Manitoba et associée de recherche du CCPA — MB.

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