Au point mort

les familles manitobaines travaillent dur juste pour faire du sur place
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February 21, 2010

En mars 2007, le bureau national du CCPA publiait un rapport sur l’inégalité des revenus au Canada au cours des trente dernières années. Ce rapport intitulé The Rich and the Rest of Us : The Changing Face of Canada’s Growing Gap révélait que, avec l’économie canadienne qui « fonctionne à plein régime », les profits de cette croissance ont surtout profité aux Canadiens les plus riches, alors que l’autre moitié, les moins bien rémunérés, ne les ont même pas vu passer. Le rapport de CCPA — Manitoba, intitulé Stuck in Neutral: Manitoba families Working Harder Just to Stay in Place, pose la question à savoir si ces tendances nationales inquiétantes se manifestent aussi au Manitoba.

Nous sommes en mesure de déterminer des différences importantes dans l’inégalité au chapitre du revenu entre le Manitoba et l’ensemble du pays, mais les tendances sont très semblables : l’écart entre les familles riches et les familles pauvres qui ont des enfants de moins de 18 ans s’élargit au Manitoba; et le gouvernement a réduit, mais pas éliminé, la disparité croissante de revenu, qui est maintenant plus importante qu’elle ne l’était à la fin des années 1970. En terme d’écart de revenus après impôt entre les riches et les pauvres du Manitoba la tendance à long terme a été plus stable que dans le reste du pays, mais l’écart entre la moitié dont le revenu est le plus élevé et celle dont le revenu est le moins élevé, a encore augmenté depuis les premières années de la présente décennie.

L’économie du Manitoba a progressé modérément depuis les années 1970, mais ce n’est pas tout le monde qui en a profité également. Les familles à faible revenu ont travaillé plus, en moyenne, que dans les périodes antérieures, mais leurs revenus n’ont pas suivi. Si ce n’avait été des impôts et des transferts, 40 % des familles manitobaines se seraient retrouvées en moins bonne posture en terme de rajustement à l’inflation après 30 ans de croissance économique. Le revenu après impôts de la plupart des Manitobains ne s’est que légèrement amélioré, et le troisième décile a moins d’argent à dépenser en réalité après impôts qu’une famille dans une situation équivalente d’il y a 30 ans. L’amélioration du quatrième décile est si faible qu’elle est à peine décelable.

L’étude a confirmé que le gouvernement joue un grand rôle pour contrecarrer la tendance vers encore plus d’inégalité et la perte de capacité à toucher un revenu, qui existe actuellement au Manitoba. Si les salaires avant impôt des familles les plus riches ont énormément augmenté durant la période concernée par ce rapport, les revenus après impôts ont augmenté plus modérément. Les familles les plus riches du Manitoba ont constaté des gains appréciables en terme de revenu gagné durant cette période, mais pas aussi extrêmes qu’ailleurs au pays où à la fois les revenus gagnés et les revenus après impôts ont augmenté plus rapidement qu’au Manitoba. Par conséquent, même si la part du revenu provincial qui est allée aux 10 % de Manitobains les plus riches a augmenté durant cette période, elle n’a pas vraiment augmenté autant que dans l’ensemble du pays.

Du côté des familles les plus pauvres du Manitoba, celles-ci n’ont pas perdu autant de terrain que les autres familles canadiennes. Le décile le plus pauvre, en particulier, s’en est mieux sorti. Le Manitoba est la seule province où le dernier décile a réalisé des gains en terme de revenu gagné, quoique ceux-ci ne soient passés que d’environ 1 000 $ en revenus gagnés à la fin des années 1970 à environ 2 000 $ ces dernières années.

Il faut noter que les données présentées dans notre rapport ne concernent pas les populations des réserves autochtones. Étant donné que la population autochtone qui habite dans des réserves constitue une plus grande portion de la population manitobaine (4,6 %) par rapport à l’ensemble du pays (1,4 %), et que les populations autochtones sont surreprésentées dans les derniers déciles au chapitre du revenu, notre rapport minimise le degré d’inégalité au Manitoba et exagère l’égalité relative de cette province comparativement à la moyenne nationale.

Comment le Manitoba a-t-il réussi à maintenir un écart inférieur entre les déciles les plus riches et les déciles les plus pauvres par rapport à l’ensemble du Canada? Le gouvernement fédéral a institué la Prestation fiscale canadienne pour enfants en 1993, laquelle est pour une grande part responsable de l’augmentation du revenu du dernier décile à l’échelle du pays par rapport aux années 1970. Toutefois, la plupart des provinces, y compris le Manitoba, ont pris la décision de récupérer la portion supplémentaire de la prestation fiscale des familles bénéficiaires de l’aide sociale. Après avoir pris la tête du gouvernement en 1999, le NPD a annulé cette décision, augmentant ainsi le revenu de nombreuses familles du décile le plus bas. L’écart de revenu plus mince au Manitoba que dans l’ensemble du Canada peut aussi s’expliquer par le fait que les revenus des 10 % de Manitobains les plus riches n’ont pas augmenté autant que ceux des 10 % de Canadiens les plus riches.

Les transferts du gouvernement influencent nettement la différence en terme de revenus après impôts. Notre recherche a révélé que le fossé entre les familles des premiers déciles et les familles du dernier décile se rétrécit après impôts et l’application des transferts. Avant impôts, le revenu médian des familles du premier décile est supérieur au revenu médian des familles du dernier décile par un facteur de 52, mais après impôts, par un facteur de seulement 5,7. Si nous ne considérons que les changements absolus entre les revenus avant impôts et après impôts, nous constatons que le revenu des 40 % de Manitobains qui gagnent le moins a augmenté. Cette amélioration signifie que, à partir des familles du décile le plus bas jusqu’aux familles qui gagnent 45 500 $, ces familles ont toutes profité des impôts et des transferts gouvernementaux. Au décile 5, les familles commencent à payer légèrement plus d’impôts qu’elles ne reçoivent en transferts du gouvernement. Ces données devraient dissiper le mythe selon lequel le gouvernement impose lourdement tous les groupes qui ont un revenu, et que ceux qui se trouvent au milieu de l’échelle des revenus gagnés en profitent peu.

S’il est vrai que les transferts du gouvernement ont profité aux familles de la dernière moitié de l’échelle des revenus, cette amélioration ne change rien au fait que leurs gains réels sont stagnants. Cela ne change rien non plus au fait qu’un bon nombre de ces familles continuent de vivre dans la pauvreté. Mais la bonne nouvelle est que le Manitoba a mieux réussi que les autres provinces à modérer cette tendance inquiétante. La mauvaise nouvelle est, qu’en dépit d’une économie florissante, la bataille de nombreux Manitobains qui tentent encore d’échapper à la pauvreté est perdue d’avance, car ils travaillent un plus grand nombre d’heures pour un revenu stagnant ou à la baisse.

 

 

Monsieur Ian Hudson est professeur agrégé à l’Université du Manitoba et associé de recherche du CCPA — Manitoba. Monsieur Andrew Pickles est étudiant du deuxième cycle au département d’économie de l’Université du Manitoba. 



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